Budget 2025: l’étrange jeu du MoDem, qui se rêve en conciliateur

Si le groupe a toujours considéré la «justice fiscale» comme l’un des grands principes du parti, ses députés profitent désormais d’un gouvernement plus ouvert sur le sujet, et de forces de gauche plus nombreuses pour les soutenir.

Les faits – Le projet de loi de finances 2025 a débuté son examen en commission des Finances à l’Assemblée nationale mercredi en fin d’après-midi. Le texte arrivera dans l’hémicycle lundi, à 21 heures 30.

Dans la majorité sortante, trouver un député encore capable de revendiquer des victoires relève du défi. Ce n’est pas impossible pour autant. Il faut pour cela chercher du côté de la commission des Finances, où les discussions sur le projet de loi de finances 2025 ont débuté mercredi soir. Il faut ensuite se diriger vers les rangs du MoDem, puis se pencher vers Jean-Paul Mattei. En voilà un.

Ces dernières vingt-quatre heures, l’ancien président de groupe des députés démocrates a fait adopter quelques-uns de ses chevaux de bataille. Avec l’aide du Nouveau Front populaire, l’élu a notamment pérennisé la contribution différentielle sur les hauts revenus présentée comme temporaire par le gouvernement. Parce qu’il est « un peu ridicule de limiter une mesure de justice fiscale dans le temps si elle est bien paramétrée », a-t-il défendu en commission. Les macronistes, eux, souhaitaient en raccourcir le délai d’application.

Impôt universel. Sous le regard effrayé de certains de ses partenaires, Jean-Paul Mattei a également permis l’adoption de l’instauration d’un impôt universel ciblé, voulue par le président insoumis de la commission, Eric Coquerel. Le député socialiste Philippe Brun, a de son côté fait passer la taxation des superdividendes. Une mesure phare du député démocrate qu’il avait déjà soumise au débat l’an dernier, avant de la voir disparaître de la copie finale, rédigée à l’issue du 49-3.

Le démocrate et les groupes du NFP, dont les rangs sont plus fournis qu’avant la dissolution, n’ont jamais aussi bien travaillé ensemble. « Il n’y a plus tellement besoin de discussions, on se comprend », assure Eric Coquerel. La relation entre les deux hommes remonte à 2019, lorsqu’ils avaient mené ensemble une mission d’information relative à l’impôt universel. « On était arrivés aux mêmes conclusions », se souvient l’élu LFI.

Le constat va au-delà de Jean-Paul Mattei. Dans un hémicycle où tout le monde se fait la guerre, le MoDem tout entier se rêve en casque bleu. Dans un geste symbolique, le groupe avait déjà décidé dès le début de la législature de changer de place dans l’hémicycle pour s’asseoir à la gauche des macronistes. « L’ambition d’être créateur de passerelles a désormais une vigueur nouvelle, explique un cadre du groupe. On ne doute pas que les amendements que nous avons essayé de penser dans un esprit de responsabilité, de justice sociale, d’efficacité économique puissent, à un moment, apparaître dans le débat parlementaire comme des points d’équilibre. »

Exemple sur la « flat tax » – le prélèvement forfaitaire unique. Mercredi soir, la gauche veut en rehausser le taux de 30 % à 40 %. Une partie du « socle » de Michel Barnier est contre l’idée même d’y toucher. Entre alors en scène le conciliateur Mattei, proposant un taux à 33 %. « Il faut dédramatiser ce débat, se décontracter sur ce sujet. 3%, franchement c’est un bon compromis », avance-t-il. Amendement adopté.

« Ils assument peut-être plus qu’avant d’être un groupe de centristes. Dans ce socle commun qui n’est qu’une vue de l’esprit, les écarts des autres groupes avec le MoDem se font de plus en plus ressentir », estime Eric Coquerel.

Superdividendes. Il faut dire que le terrain de jeu du MoDem s’est agrandi de quelques mètres. A l’été 2023, Bruno Le Maire se présentait devant les élus de la majorité pour balayer toute taxation des superdividendes. Devant les députés démocrates, Michel Barnier a récemment affirmé que le gouvernement serait ouvert à toutes les propositions respectant le cadre posé, soit l’impératif de ne pas dépasser les 5 % de déficit. « Il y a moins de tabous qu’avant », se réjouit un député centriste.

Reste à joindre la parole aux actes. L’épreuve du feu sera celle du 49.3. Dans un monde idéal, le MoDem aimerait dissuader la gauche de voter la censure dès la première partie du texte réservée aux recettes. « On leur rappellera qu’on leur a permis d’obtenir des avancées », anticipe un stratège du groupe.

Le ton sera en revanche plus dur sur le deuxième pan du projet de loi, consacré aux dépenses. Là, « on est plus proches de la droite », reconnaît le même. L’idée est de se montrer le plus équilibré possible pour espérer, à la fin, apparaître comme les faiseurs de compromis. Et ainsi convaincre Matignon de conserver quelques-unes de leurs mesures, lesquelles n’auraient eu aucune chance de survivre dans le monde d’avant.

Dinah Cohen

Source : L’Opinion