En commission des Finances, plusieurs amendements ont été adoptés pour relever la fiscalité du capital, via notamment une hausse de la « flat tax » et une surtaxe des « superdividendes ». Ces mesures sont soutenues par un axe large, allant de la gauche au RN en passant par le Modem.
La « flat tax » pourrait sortir cabossée de l’examen du budget 2025 au Parlement. Cette mesure emblématique du premier quinquennat d’Emmanuel Macron soumet les revenus de placements financiers (dividendes, plus-values mobilières, assurance vie, PEL…) à un « prélèvement forfaitaire unique » de 30 %. Depuis sept ans, le camp présidentiel parvient à la maintenir intacte, malgré les coups de boutoir des oppositions.
Mais la nouvelle donne à l’Assemblée menace plus que jamais le dispositif. Dans la nuit de mercredi à jeudi, en commission des Finances, les députés ont voté plusieurs mesures d’augmentation de la fiscalité du capital, visant notamment ce pilier de la « flat tax ».
« Un bon compromis »
Les amendements étaient nombreux, qui proposaient de remonter son taux de 1, 2, 3, 5 voire 10 points. C’est finalement l’option intermédiaire d’un passage de 30 à 33 % en 2025, proposée par le centriste Jean-Paul Mattei, qui a été votée. « Il faut que ce soit mesuré, sinon c’est confiscatoire, a justifié le député Modem. C’est un bon compromis de justice fiscale ».
La hausse n’a certes pas fait l’unanimité. « Cela nous éloignera encore plus de nos partenaires européens », a souligné le rapporteur général du Budget, Charles de Courson, défavorable à tout relèvement. Les tenants du macronisme originel ne lui ont pas fait dire. « Si vous vous attaquez au capital, cela aura des conséquences en termes d’emploi », a renchéri le député Daniel Labaronne. « Il y aura moins d’investissement, moins de rendement », ajoutait aussitôt son collègue Mathieu Lefèvre.
Mais ce baroud d’honneur de la macronie n’aura pas suffi. Car la hausse de la « flat tax » – et plus largement le rééquilibrage entre l’imposition des revenus du travail et du capital – réunit aujourd’hui de nombreux députés de bords politiques éloignés. La gauche y est favorable . Le RN également (même s’il préférait faire voter son « impôt sur la fortune financière »). Et, comme les années précédentes, le Modem – qui plaide de longue date pour renforcer la justice fiscale – sert de coin, sur lequel appuient ces oppositions pour fissurer la cohésion du gouvernement en matière fiscale.
Le retour des « superdividendes »
La même alliance, un brin hétéroclite, a permis l’adoption d’un autre amendement emblématique, pour imposer plus fortement les « superdividendes ». Déjà votée il y a deux ans, sur proposition de Jean-Paul Mattei, la mesure avait été écartée par le gouvernement lors du recours au 49.3.
Le RN et les socialistes l’ont fait revoter telle quelle, c’est-à-dire avec un relèvement de la « flat tax » à 35 % lorsque les dividendes versés dépassent de 20 % la moyenne des années précédentes. « 20 % de plus que la moyenne, ce n’est quand même pas une paille ! », a réagi le député RN Jean-Philippe Tanguy, après que Mathieu Lefèvre (EPR) avait dénoncé « une mauvaise manière faite aux petits porteurs ».
Reste désormais à savoir ce que fera le gouvernement sur le sujet, d’ici l’adoption du budget. Il a jusqu’à présent refusé de toucher au totem de la « flat tax ». Mais son mécanisme d’ « impôt minimum » à 20 % pour les plus hauts revenus est une première attaque qui ne dit pas son nom. En effet, les contribuables qui seraient pris dans ce « filet fiscal » peuvent théoriquement voir monter la « flat tax » à 37,2 % (puisque le PFU est composé de 17,2% de cotisations sociales et 12,8 % d’impôt sur le revenu, qu’il faudrait remonter à 20 %).
Voudra-t-il aller plus loin ? « Je ne me fais pas trop d’illusion pour l’après, mais on va essayer d’y croire », lâchait jeudi le président du groupe Démocrate, Jean-Paul Mattei.
Des idées pour le gouvernement
Si le gouvernement veut toucher à la fiscalité du capital, les députés ont en tout cas montré qu’il trouverait des majorités pour le faire. Et ils ont donné plusieurs pistes à l’exécutif, au-delà des « superdividendes » ou de la « flat tax ». La commission des Finances a ainsi voté la pérennisation et l’extension du fameux «impôt minimum» à 20% des riches particuliers.
Deux amendements socialistes pour limiter les possibilités de fraude dite « Cum-Cum » (de complexes échanges de titres au moment du versement du coupon pour éviter l’impôt) ont fait l’unanimité parmi les commissaires.
Et deux autres, toujours à l’initiative de Jean-Paul Mattei, ont aussi été votés. L’un pour mieux taxer les reventes de titres après une transmission d’entreprise défiscalisée grâce au Pacte Dutreil. L’autre pour supprimer les abattements pour durée de détention à l’occasion d’une vente immobilière (qui conduisent à être totalement exonéré au bout de 22 ans, et donc incitent les propriétaires à faire de la rétention). Et ce n’est que le début…
Sébastien Dumoulin
Source : Les Echos